Opinion

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Socio-economic news and views by LISER researchers*

16 Jun 17 | Opinion

Subventionner la réinsertion plutôt qu'indemniser le chômage de longue durée

Telle est la stratégie du ministre du travail luxembourgeois N. Schmit. Celui-ci a présenté son projet de loi ce lundi 12 juin 2017 devant les membres de la Commission du travail à la Chambre des députés.

Si le chômage est en baisse depuis plus de deux ans au Luxembourg, cette évolution favorable du marché du travail ne profite pas aux chômeurs de longue durée, ceux qui sont inscrits depuis au moins douze mois à l'Agence pour le développement de l'emploi (ADEM).

Le projet de loi propose un dispositif visant à combattre le chômage de longue durée en créant des emplois d'utilité socioéconomique1.

Ce dispositif présente de nombreux avantages sur le plan socioéconomique : rompre l'isolement des chômeurs de longue durée, accroître leur niveau d'employabilité, offrir des services à la société avec des emplois utiles, ou encore valoriser un capital humain inutilisé.

Il semble par ailleurs que son coût sera contenu : les premières estimations évaluent le coût à environ 10 000 euros par bénéficiaire et par an. De plus, ce coût serait en partie compensé par la disparition des coûts liés aux autres dépenses sociales (minima sociaux et autres dépenses sociales notamment de santé). Enfin, la réinsertion présente de nombreux bénéfices sociaux bien réels même s'ils sont difficilement quantifiables de par leur diversité.

Certains points du dispositif ne manqueront pas d'être précisés durant le travail parlementaire : la liste des emplois d'utilité socioéconomique et les critères sur la base desquels elle sera établie, ainsi que les critères de sélection des candidats.

La question de l'évolution de ce dispositif sur le long terme se posera également. Dans une société en pleine évolution, notamment numérique, les emplois utiles d'aujourd'hui le seront-ils encore demain ?

Par ailleurs, en visant un objectif double, le dispositif ne manque pas d'ambition. La règle de politique économique de Timbergen4  recommande qu'une politique économique ne devrait pas poursuivre plus d'objectifs que le nombre d'instruments qu'elle met en œuvre. Or  le dispositif de cette politique vise deux objectifs : combattre la précarité d'une part, et créer des emplois d'utilité socioéconomique d'autre part. Il s'agira ainsi de créer des emplois utiles pour la société tout en répondant aux compétences et aux aspirations des chômeurs de longue durée afin que les deux objectifs soient atteints de manière durable.

Commentaire : si le Luxembourg connaît le plus faible taux de chômage de longue durée de la Grande Région, entre 2014 et 2016 il a augmenté de plus de 20%2. Seule la France connaît également une tendance à la hausse3.

Sources : données Eurostat, calculs LISER.

Note : les chiffres sont calculés à partir de l'enquête trimestrielle européenne sur les forces de travail.

Pour vérifier que le dispositif aura atteint ses objectifs, il conviendra de l'évaluer. L'évaluation permettra à la fois de mesurer son efficacité et éventuellement de l'améliorer avant de le généraliser. Le projet prévoit bien cette évaluation, dont les modalités restent à définir. Dans les mois et années qui viennent, le LISER suivra avec intérêt l'implémentation de cette politique prometteuse.

Par Pauline Bourgeon, Observatoire du Marché de l'emploi du LISER

1 Une brève synthèse du dispositif est présentée en appendice.

2 L'ADEM indique qu'en mars 2017, 47% des demandeurs d'emploi disponibles étaient inscrits depuis plus de douze mois.

3 Ce pays a d'ailleurs lancé l'an dernier un dispositif intitulé « Territoires zéro chômeur de longue durée » actuellement expérimenté dans dix territoires français.

4 Cette règle a été énoncé par l'économiste Jan Timbergen, lauréat du Prix Nobel en 1969, est à la base des grands principes de la politique économique.

Le dispositif en bref

Pour faire face à ce défi, le dispositif prévoit la création d'un nouveau contrat à durée indéterminée subventionné par le Fonds pour l'Emploi pendant trois ans dans le secteur public, parapublic ou social. Le co-financement des frais salariaux sera dégressif sur la période. Le dispositif ne sera applicable que pour la création de nouveaux emplois d'utilité socioéconomique, ceux-ci seront définis par règlement grand-ducal. Enfin, le projet prévoit une clause de remboursement des sommes perçues en cas de licenciement abusif. Le dispositif sera limité en nombre d'emplois créés par an, dans un premier temps il prévoit la création de 150 emplois en 2017.

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