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29 Mar 18 | News

Les frontaliers lorrains, acteurs de la métropolisation luxembourgeoise ?

Zoom sur Metz, Thionville et Longwy

Ils sont ainsi, en janvier 2018, plus de 187 800 à passer la frontière luxembourgeoise, et parmi eux plus de la moitié réside principalement en Lorraine.

Cet article utilise les résultats de la publication scientifique : CHEN Jianyu, GERBER Philippe, RAMADIER Thierry. Dynamiques socio-spatiales des actifs lorrains au regard de la métropolisation transfrontalière luxembourgeoise. Espace Populations Sociétés, 2018, vol. 2017, n°3 (disponible en ligne : http://journals.openedition.org/eps/7263) issue d'une recherche réalisée par le LISER (Luxembourg Institute of Socio-Economic Research) et le Laboratoire SAGE (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe) du CNRS à Strasbourg.

Le nombre de frontaliers provenant de France a dépassé celui des frontaliers originaires de Belgique à partir du milieu des années 1980. Depuis maintenant plus de 20 ans, le contingent français représente plus de la moitié de cette main-d'oeuvre transfrontalière ; l'Allemagne et la Belgique se partageant de manière équivalente la proportion restante. Ils sont ainsi, en janvier 2018, plus de 187 800 à passer la frontière luxembourgeoise, et parmi eux plus de la moitié réside principalement en Lorraine (source : Statec 2018). Ces frontaliers français proviennent principalement de 3 départements lorrains : la Meurthe-et-Moselle, la Meuse et la Moselle, et y deviennent de plus en plus nombreux.

Alors que la plupart des analyses sur les frontaliers reposent sur des sources de données luxembourgeoises ou des enquêtes ad hoc, il est intéressant de porter son attention sur les sources françaises, notamment le recensement de la population, qui permet d'avoir un regard de long cours sur ces dynamiques sociodémographiques et spatiales depuis les années 60 jusqu'à nos jours.

Ainsi, au sein de ces 3 départements lorrains, la proportion d'actifs travaillant en France s'est étiolée petit à petit, essentiellement au profit des frontaliers travaillant au Luxembourg. Leur proportion a progressé fortement, passant de 0,3% à la fin des années 60 à 8,7% des actifs en 2013, avec une forte augmentation à partir des années 1990. Ces chiffres témoignent à eux seuls de la mise en place du processus de métropolisation luxembourgeoise qui se déroule au-delà des frontières à la fin du deuxième millénaire.

L'étalement géographique des lieux de résidence des frontaliers français travaillant au Luxembourg se manifeste d'abord par l'évolution du nombre de communes qui les accueillent : sur un total de 1 824 communes en 2013 au sein des 3 départements, 153 étaient en 1968 habitées par des frontaliers, contre 642 en 2013 (soit plus du tiers des communes).

Alors que le centre de gravité était davantage situé vers Thionville à la fin des années 1960, avec une ellipse de dispersion tiraillée par Longwy au nord, ce centre de gravité a tendance à se déplacer vers le sud pour rejoindre l'agglomération messine en 2013, avec une forme d'ellipse plus large et massive.

Caractéristiques sociodémographiques de Metz, Thionville et Longwy (voir graphique)

Globalement, le niveau de qualification des travailleurs s'est élevé dans les années 1990, ce qui correspond au début de la phase de métropolisation luxembourgeoise et au début de l'accroissement des frontaliers favorisés. A l'exception de Thionville et de Metz, la proportion et les effectifs des classes défavorisées1 restent cependant plus nombreux que ceux des classes favorisées1. Thionville et Metz sont deux catégories spatiales dont la démographie des actifs frontaliers est particulière : ce sont à la fois celles où les diplômes du supérieur sont les plus nombreux et celles qui accueillent autant (Thionville), voire plus (Metz) de frontaliers favorisés que défavorisés.

L'agglomération longovicienne quant à elle rassemble le plus de catégories défavorisées par rapport aux autres centres urbains. Et c'est aussi le seul centre urbain qui accueille nombre de frontaliers des classes les plus défavorisées : cette trajectoire sociale territoriale, depuis longtemps très populaire, provient notamment du fait que cette agglomération a largement été le lieu de résidence de travailleurs frontaliers lorrains qui ont travaillé dans le secteur sidérurgique avant la transformation économique et la métropolisation luxembourgeoise. Ainsi, actuellement, c'est une des catégories spatiales où, d'une part, les classes de frontaliers défavorisés sont nettement plus nombreuses que leurs homologues plus favorisées, et, d'autre part, l'effectif brut des classes défavorisées continue de croître, même si le niveau d'études suit les mêmes tendances que les deux autres agglomérations.


1 La notion de classe favorisée/défavorisée est utilisée ici au regard de la facilité d'accès à l'emploi dans un contexte de métropolisation trans- et internationale où se sont les personnes pouvant légitimement prétendre occuper un poste de gestion ou de direction qui sont le plus recherchées.

Evolution des catégories socioprofessionnelles et des niveaux d'études des frontaliers se rendant au Luxembourg, au sein des agglomérations de Longwy, Thionville et Metz.

Source : Recensement de la population 1968-2013 : fichier détail harmonisé, INSEE (producteur), ADISP-CMH (diffuseur), octobre 2016.

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