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23 Apr 18 | News

Migrer : une réponse en cas de choc économique

La mobilité des travailleurs permet d’absorber les déséquilibres économiques entre pays européens.

Que faire lorsque le marché du travail offre de faibles perspectives d'emploi et que la croissance économique est elle aussi ralentie ? Certains travailleurs décident alors de migrer, considérant qu'il vaut mieux partir et tenter sa chance à l'étranger que de rester au chômage dans leur pays d’origine. C’est le choix qui a été fait par de nombreux travailleurs grecs ou espagnols lorsque la crise économique les a frappés dès 2010. Ne trouvant pas d'emploi, ils ont migré vers d’autres pays européens en mesure de leur offrir une situation économique plus prometteuse. Ainsi l’Allemagne a connu une explosion des flux de travailleurs d’Europe du Sud dès 2011 et le Luxembourg n’a cessé d’attirer également des flux de travailleurs en provenance de pays aux situations économiques moins prometteuses.

Partant de l’observation de cette recrudescence des flux migratoires en réponse à la crise économique en Europe, les auteurs ont décidé d’étudier la question de façon plus générale. Une déterioration de la conjoncture économique dans un pays engendre-t-elle systématiquement une augmentation de l’émigration de ce pays vers d’autres pays dont la situation économique est relativement plus favorable ?

De nombreux déterminants sont à l’origine de l’augmentation des flux migratoires observée partout dans le monde sur la période récente, au premier titre desquels les événements géopolitiques et les chocs environnementaux qui sont des situations d’urgence obligeant les individus à quitter leur pays. Dans une perspective plus structurelle, les flux migratoires s’expliquent par des déterminants socioéconomiques, culturels ou géographiques. Ici l’étude vise à mesurer l’impact spécifique des chocs de croissance économique et d’emploi sur les flux de migration entre pays développés. En isolant l’effet de l’emploi, l’étude montre qu’une augmentation de 1% du taux d’emploi conduit à une augmentation du flux migratoire vers ce pays de 5%.

La mobilité des travailleurs permet d’absorber les déséquilibres économiques entre pays européens

Cette recherche délivre un résultat très intéressant pour les pays européens spécifiquement. L’étude révèle que les accords de Schengen et l’introduction de l’euro ont permis d’accroître la mobilité des travailleurs en Europe. Bien sûr c’est un résultat qui peut apparaître évident puisque par construction l’union monétaire et le marché unique visent à favoriser la mobilité en Europe. Ce qui est intéressant dans ce résultat c’est qu’il confirme que la mobilité des travailleurs en réaction à des chocs économiques différenciés entre pays européens a augmenté depuis les années 1980.

Cette étude confirme que l’Europe peut devenir une zone économique intégrée à l’intérieure de laquelle la mobilité des travailleurs contribue à résorber les déséquilibres économiques entre les pays européens. Lorsque la crise grecque a éclaté en 2010 la migration de jeunes ingénieurs grecs vers l’Allemagne a permis d’atténuer les conséquences de la récession sur le chômage. Ainsi, la Grèce a connu une hausse plus faible du chômage des jeunes diplômés et l’Allemagne a pu continuer le développement de ses activités d’ingénierie. Les résultats de cette étude encouragent donc les pays européens à renforcer les politiques visant à favoriser la mobilité de travailleurs pour atténuer l'impact des chocs économiques.


Article rédigé par le LISER, paru dans Lëtzebuerger Gemengen, édition mars 2018

BEINE Michel, BOURGEON Pauline, BRICONGNE Jean-Charles.
Scandinavian Journal of Economics, 2017.