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27 Jun 18 | News

L'impact budgétaire du vieillissement de la population sur les dépenses de l'assurance dépendance

Le LISER a conçu un outil permettant de simuler les changements de l'état de santé de la population et d'estimer leur impact budgétaire à l'horizon 2045.

Dr. María Noel Pi Alperin est chercheur au LISER (Luxembourg Institute of Socio-Economic Research). Elle est actuellement responsable d'un projet intitulé « Dynamiques de santé et vieillissement de la population » (HEADYNAP - HEAlth DYNamics and Ageing Population) financé par le Fonds National de la Recherche du Luxembourg. Ce projet vise à comprendre les conséquences économiques de l'évolution de l'état de santé de la population luxembourgeoise dans un contexte de vieillissement de cette dernière.

Dans le cadre du projet, nous avons conçu un outil de simulation qui permet, entre autres, de projeter les dépenses en matière d'assurance dépendance à l'horizon 2045 pour la population résidente au Luxembourg âgée de plus de 50 ans. Autrement dit, cet outil permet de simuler au cours du temps des changements de l'état de santé de la population et d'estimer leur impact budgétaire.

L'assurance dépendance, prise en charge par la Caisse Nationale de Santé, est directement impactée par le processus de vieillissement de la population. En effet, de nombreuses personnes âgées sont confrontées à des problèmes fonctionnels qui constituent, à divers degrés, une source de perte d'autonomie dans les activités du quotidien (locomotion, équilibre, souplesse, orientation dans le temps). La combinaison de plusieurs de ces limitations peut conduire à un état de dépendance. Plus précisément, selon le Ministère de la Sécurité Sociale du Luxembourg, être dépendant c'est avoir besoin de l'aide de quelqu'un, professionnel ou autre, pour effectuer les activités essentielles de la vie : l'hygiène corporelle, la nutrition et la mobilité.

L'assurance dépendance intervient lorsque le besoin d'aide, conséquence d'une maladie, persiste pour un minimum de six mois ou bien est irréversible. Elle couvre les coûts des prestations qui dépassent un certain montant et qui ne sont pas prises en charge par l'assurance maladie.

Dans le contexte de HEADYNAP, nous voulions estimer l'impact budgétaire du vieillissement de la population sur les dépenses de l'assurance dépendance. Pour cela, notre outil de simulation met en oeuvre une procédure similaire à celle de l'assurance dépendance qui permet, à chaque période, l‘identification d'une personne dépendante pouvant bénéficier des prestations financées par l'assurance dépendance1. Ainsi, il est possible d'estimer les dépenses annuelles relatives à certaines prestations.

Nous avons utilisé les données luxembourgeoises de l'enquête SHARE, première enquête européenne sur la santé, le vieillissement et la retraite en Europe. Cette enquête, qui cible les individus de plus de 50 ans résidant au Luxembourg, permet de caractériser l'état de santé des individus et ses limitations dans les activités de la vie quotidienne qui sont liées au vieillissement. Ainsi, nous avons pu simuler des variables telles que : s'habiller, y compris mettre ses chaussures et ses chaussettes ; se déplacer dans une pièce ; prendre un bain ou une douche ; manger, comme couper les aliments ; utiliser les toilettes, y compris s'y lever et s'y asseoir ; aller faire les courses ; faire le ménage ou jardiner ; monter un escalier sans se reposer. Toutes ces variables renvoient à un acte d'aide ou de soin référencé dans l'assurance dépendance.

Parmi les différentes prestations proposées par l'assurance dépendance, nous nous sommes concentrés principalement sur les prestations en nature et, en particulier, sur les prestations à domicile effectuées par les professionnels des réseaux. Aussi, nous avons établi comme hypothèse que toutes les personnes souffrant de limitations, potentiellement éligibles comme bénéficiaires de l'assurance dépendance, vont demander des aides à domicile.

Nous constatons qu'en 2017, les dépenses par tête sont plus élevées pour les personnes âgées d'au moins 70 ans. En revanche, nos simulations pour l'année 2045 montrent que les dépenses par tête projetées se concentreront sur des groupes d'âges plus élevés. De plus, les dépenses par tête augmentent par rapport à 2017, surtout à partir de 75 ans, pour atteindre un coût moyen annuel de 24 000 euros pour les personnes âgées de 99 ans, soit deux fois plus qu'en 2017.

Ces changements sont dus à l'évolution de la distribution des limitations d'activité de la vie quotidienne à travers la population. En effet, pour être bénéficiaire de l'assurance dépendance, les individus doivent souffrir simultanément de plusieurs types de limitations. Selon nos estimations, la part de la population souffrant de chacune des limitations d'activité individuellement reste constante tout au long de l'horizon de projection, mais ce n'est pas le cas de la distribution de ces limitations parmi la population. Plus précisément, il résulte de la simulation que les limitations d'activité pour la population en 2045, par rapport à celles de 2017, sont davantage concentrées sur les personnes les plus âgées. Un plus grand nombre de personnes combinerait alors plusieurs limitations d'activité, ce qui est la condition nécessaire pour devenir bénéficiaire de l'assurance dépendance. Cela explique les changements dans la distribution par âge de la dépense par tête en matière d'assurance dépendance décrits supra.

Nos projections indiquent un taux de croissance de 229 % des dépenses en matière d'assurance dépendance pour les prestations à domicile entre 2017 et 2045. De plus, par rapport à l'année 2017, les dépenses moyennes par tête augmenteraient de 70 % et le nombre de bénéficiaires de 280 %. Ces augmentations résultent non seulement de la croissance de la population, mais aussi du fait que ces conditions sont plus communes chez les personnes les plus âgées, dont la part dans la population est en augmentation. Par conséquent, un nombre plus élevé de personnes combinerait plusieurs limitations d'activité, ce qui conduira à une augmentation du nombre de bénéficiaires et des dépenses d'assurance dépendance.


1. Cette définition est basée sur le Règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1998. Cf. Mémorial A n° 119 du 30 décembre 1998.

PI ALPERIN Maria Noel, GIORDANA Gastón, PERQUIN Magali, GENEVOIS Anne-Sophie, LIEGEOIS Philippe
LISER, 2018, Les rapports du LISER, 34 p.
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