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03 Oct 18 | News

Journée mondiale du coeur 2018

Le changement des comportements des patients face aux facteurs de risque de maladies cardiovasculaires : un processus inégal selon le statut socioéconomique et le diagnostic

De récents travaux réalisés par des chercheurs du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) ont mis en évidence l’existence d’inégalités sociales dans le changement des comportements de santé parmi des patients souffrant de maladies cardiovasculaires cinq ans après un examen des coronaires au Grand-duché de Luxembourg.

Les maladies cardiovasculaires représentent l’une des principales causes de mortalité et de morbidité dans le monde, en particulier dans les pays développés. Au Luxembourg, il s’agit de la principale cause de mortalité avec près d’un tiers de décès en 2015.

Le changement des comportements liés à la santé tant au niveau de la promotion de la santé (adopter des attitudes saines), de la prévention primaire (c’est-à-dire avant l’apparition de la maladie) qu’au niveau de la prévention secondaire est une dimension essentielle de l’amélioration de la qualité de vie des personnes souffrant de maladies cardiovasculaires.

En 2013/2014, une enquête inédite de suivi a été réalisée auprès de patients ayant effectué un examen des coronaires à l’Institut National de Chirurgie cardiaque et de Cardiologie Interventionnelle (INCCI) de 2008 à 2009. De l’analyse des données de 1289 patients ayant répondu de manière complète au questionnaire, il ressort plusieurs points saillants.

  • 1- Des changements de comportement perceptibles cinq ans après un examen des coronaires…

Au cours des cinq années après l’examen des coronaires, plus de la moitié des patients répondants avait modifié leurs habitudes alimentaires : 72 % avaient réduit ou arrêté la consommation de matières grasses, 58 % avaient réduit ou arrêté la consommation de sel, 63 % avaient réduit ou arrêté la consommation de sucre et 65 % avaient augmenté la consommation des fruits et légumes. Cependant, ces chiffres masquent l’existence d’inégalités sociales face au changement de comportement de santé ou à l’adhérence aux conseils de prévention du corps médical et des autorités sanitaires. Dans ce texte, l’accent est mis sur des disparités de changement des comportements liées au genre et aux conditions de vie des patients.

  • 2- Des femmes plus enclines à modifier leurs habitudes alimentaires et celles liées à d’autres facteurs de risque que des hommes…

Pour les différents facteurs de risque cardiovasculaires associés aux habitudes alimentaires (consommation de matières grasses, de sel, de sucre et des fruits et légumes), les femmes ont tendance à modifier plus que les hommes leurs comportements. L’écart observé le plus élevé concerne la réduction ou l’arrêt de la consommation de sel (65% parmi les femmes contre 55% parmi les hommes). Par ailleurs, il existe très peu de différences significatives dans le changement de comportement des habitudes alimentaires à travers les tranches d’âge tant chez les femmes que chez les hommes, à l’exception de la consommation de sel parmi les hommes et la consommation des fruits et légumes parmi les femmes.

  • 3- Des patients ayant un faible statut socio-économique plus réceptifs au changement des comportements que les autres…

En s’intéressant aux liens potentiels entre conditions de vie des patients suivis dans notre cohorte et changement de comportement face aux facteurs de risque cardiovasculaires, les résultats révèlent une meilleure adhérence au changement de comportement de la part des patients ayant un faible statut socioéconomique. En effet, les patients déclarant vivre dans des conditions difficiles étaient plus susceptibles de réduire ou d’arrêter la consommation de matière grasse (79%), de sel (66,5%) et de sucre (70%) ou d’augmenter la consommation de fruits et légumes (73%) que ceux déclarant vivre dans des conditions plus aisées (respectivement 71%, 57%, 61,5% et 64%). Cependant, aucune association significative n’a été trouvée entre les conditions de vie des patients et l’arrêt du tabac ou la reprise du sport. En outre, il n’existe pas de différences de comportement entre les hommes et les femmes face à ces facteurs de risque cardiovasculaires parmi les patients vivant dans des conditions difficiles. Chez ceux vivant dans des conditions de vie faciles, des différences sont observées pour la réduction ou la consommation de sel où les femmes font mieux que les hommes (64% contre 55%) et pour la reprise du sport où ce sont les hommes qui se démarquent des femmes (50% contre 35%)

 

  • 4- L’influence du diagnostic sur le changement de comportement limitée à quelques facteurs de risque.

Concernant les différences de changement de comportement associées au diagnostic, celles-ci sont observées seulement au niveau de la réduction ou de l’arrêt de la consommation de sucre et de tabac. En effet, les patients diagnostiqués avec une angine de poitrine sont plus susceptibles de réduire ou d’arrêter la consommation de sucre (67%) que ceux avec un infarctus du myocarde (64%). Ceux avec un infarctus du myocarde sont plus enclins à arrêter de fumer (79%) que ceux qui souffrent d’une angine de poitrine.

 

  • 5- La prise de conscience des facteurs de risque, une condition nécessaire du changement de comportement

En matière d’habitudes alimentaires, par exemple, les résultats des travaux montrent que plus des deux-tiers des patients qui déclarent faire plus attention à leur alimentation avaient changé leur comportement face à la consommation des matières grasses (84%), de sel (68%), de sucre (72%) et des fruits et légumes (72%). Chez les patients qui ne faisaient pas plus attention à leur alimentation, ils étaient moins de la moitié à changer de comportement, respectivement 39%, 32%, 39% et 48%. Tout porte à penser que des efforts de sensibilisation des patients vis-à-vis des risques encourus peuvent trouver un écho positif auprès de la plupart des patients.

Globalement, ces résultats témoignent de la nécessité de tenir compte du caractère multidimensionnel et inégal du processus dynamique de changement de comportement de santé dans l’élaboration des stratégies de prévention primaire et secondaire.

 

Dr. Anastase Tchicaya & Nathalie Lorentz

Département Conditions de Vie