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28 Sep 18 | News

Les femmes toujours plus satisfaites de leur emploi que les hommes ?

Pour répondre à cette question, Dr Laetitia Hauret du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) et Prof. Donald Williams de la Kent State University (et professeur invité au LISER) ont la publication mobilisé les données de l’enquête European Social Survey (2010), et ont finalisé leur recherche par d’un article scientifique publié en 2017.

A la fin des années 80, des études ont mis en lumière un phénomène connu sous le nom de « gender paradox ». Ce phénomène traduit une différence de satisfaction entre les sexes à l’égard de l’emploi. Cette différence constitue un paradoxe car les femmes, malgré des conditions de travail moins favorables que celles des hommes, sont plus satisfaites de leur emploi.

Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer l’existence de ce paradoxe et l’article1 se concentre sur l’une d’elles. L’hypothèse étudiée ici envisage que dans un contexte de fortes disparités hommes-femmes, les femmes seraient plus satisfaites que les hommes car elles auraient de plus faibles attentes envers leur emploi. Avec un niveau d’attentes plus faibles, les femmes auraient ainsi plus de chances que l’emploi occupé comble leurs attentes. Si cette hypothèse est vraie alors l’ampleur du différentiel de satisfaction entre les deux sexes devrait s’être atténué à mesure que les disparités hommes-femmes sur le marché du travail se sont réduites. En effet, au cours des dernières décennies, la croissance de l’emploi féminin et l’élévation du niveau de qualification des femmes ont conduit à réduire les différences d’opportunités professionnelles entre les sexes. Une question se pose alors, les femmes expriment-elles toujours une plus grande satisfaction à l’égard de leur emploi que les hommes même en présence d’une réduction des inégalités hommes-femmes ?

Pour répondre à cette question, le Docteur Laetitia Hauret (LISER) et le Professeur Donald Williams (Kent State University et Professeur invité au LISER) ont mobilisé les données de l’enquête European Social Survey (2010). Plus précisément, ils ont étudié le niveau de satisfaction au travail des femmes et des hommes dans 14 pays européens. Ces pays ont été choisi pour rendre compte, au sein des pays européens, de la diversité de la place occupée par les femmes sur le marché du travail et des politiques de promotion d’égalité hommes-femmes menées. Cinq groupes de pays sont ainsi étudiés : les pays nordiques (Danemark et Finlande), continentaux (Allemagne, Belgique, France, et Pays-Bas), d’Europe centrale et d’Europe de l’Est (Hongrie, Pologne et République Tchèque), libéraux (Irlande et Royaume-Uni) et d’Europe du Sud (Espagne, Grèce et Portugal).

Il ressort de cette recherche que la satisfaction des femmes à l’égard de leur emploi varie selon le groupe de pays. Les femmes sont plus satisfaites de leur emploi que les hommes dans les pays nordiques et d’Europe centrale et d’Europe de l’Est. En revanche, elles expriment le même niveau de satisfaction que les hommes dans les pays libéraux, continentaux et d’Europe du Sud. Ce résultat contredit l’hypothèse selon laquelle le paradoxe disparaît une fois que les femmes et les hommes disposent des mêmes opportunités sur le marché du travail. En effet, le paradoxe existe dans les pays nordiques, alors que ces pays mettent en place des politiques en faveur de l’égalité hommes-femmes sur le marché du travail. En revanche, le paradoxe n’apparaît pas dans les pays libéraux où peu de politiques en faveur de l’égalité hommes-femmes sont développées. Selon les auteurs, la mise en place de politiques visant à promouvoir l’égalité hommes-femmes sur le marché du travail n’est donc pas une condition suffisante à la disparition du paradoxe.

Les auteurs ont approfondi l’analyse en étudiant l’importance de différents déterminants dans l’existence de cette différence de satisfaction. L’analyse vise à identifier le rôle joué par les différences de caractéristiques sociodémographiques (l’âge, le niveau d’éducation, le statut marital, etc.), les différences de situation professionnelle (métier, secteur d’activité, ancienneté, etc.) et les différences de conditions de travail (volume horaire, opportunités de carrière, etc.). Les résultats de cette analyse varient selon le groupe de pays étudié. Ainsi, dans les pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est le différentiel de satisfaction entre femmes et hommes s’explique principalement par des différences de situations professionnelles et de conditions de travail. En revanche, dans les pays nordiques, le différentiel de satisfaction s’explique d’abord par le fait que face à une situation en tout point identique, les femmes et les hommes éprouvent un niveau de satisfaction différent. 

1 - Hauret L. et Williams D., 2017, Cross-national analysis of gender differences in job satisfaction, Industrial Relations, volume 56, issue 2, pp. 203-235.

Article rédigé par le LISER, paru dans Femmes Magazine, édition septembre 2018