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22 May 19 | News

Avant que l'enfant ne paraisse...

Droit de la famille au Luxembourg: la réforme envisagée de la filiation, de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui.

Le docteur Jordane Segura, chercheuse au sein du département « Conditions de vie » du LISER, a participé au projet « Le "droit à l'enfant"  et la filiation en France et dans le monde »1, dans lequel s'inscrivent ses analyses2.

Au Grand-Duché, quelles sont les perspectives envisageables concernant la modernisation des lois autour des thèmes de la filiation, de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui ?

L’Accord de Coalition, récemment établi par le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg pour les années 2018 à 2023, prévoit expressément que « La modernisation du droit de la famille sera finalisée »3. Cette réforme, déjà amorcée dans le passé, devrait induire des changements substantiels en droit luxembourgeois, relativement à la filiation, à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour autrui.

Dans ce domaine, est-il exact qu’il existe, pour le moment, un vide juridique en droit national ?

Effectivement. L'aboutissement de la réforme en cours4 permettrait, notamment, de combler le vide juridique qui existe actuellement en droit national. Celui-ci concerne, d’une part, la procréation médicalement assistée (PMA) qui, bien que pratiquée au Luxembourg, ne fait encore l’objet d’aucune disposition légale. Cette situation amène d’ailleurs, depuis plusieurs années, différentes institutions nationales – telles que l’Ombuds-Comité fir d’Rechter vum Kand, la Commission Nationale d’Éthique ou encore la Commission Consultative des Droits de l’Homme – à recommander de légiférer sur ce point et de réglementer les pratiques de la PMA. Ce vide juridique concerne, d’autre part, la gestation pour autrui (GPA).

Nous dirigeons-nous vers une « PMA pour tous »?

Un cadre juridique inhérent à l’implémentation d’une « PMA pour tous » serait défini, c’est-à-dire une PMA qui serait accessible aux couples de personnes de sexe opposé et de même sexe, mariées, pacsées ou vivant en concubinage, et également ouverte aux femmes célibataires. L’établissement de la filiation des enfants issus d’une PMA avec ou sans tiers donneur serait précisément réglementé. De plus, la légalité des PMA post mortem, réalisées après le décès de l’un des auteurs du projet parental, serait établie. Enfin, un nouvel acte de l’état civil permettant au(x) parent(s) non biologique(s) de reconnaître l’enfant serait créé. L’acte de naissance de l’enfant indiquerait, par la suite, le ou les auteurs de l’acte de parentalité comme parents. Et surtout, concrètement, la maternité et la paternité ne pourraient pas être contestées en présence d’un acte de parentalité dressé dans les conditions prescrites par la loi.

Le pays va-t-il se positionner expressément vis-à-vis de la GPA pratiquée au Luxembourg ?

La GPA serait formellement interdite en tant qu’acte médical au Luxembourg, et sanctionnée. Il est ainsi proposé de punir d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de deux mille à cent vingt-cinq mille euros ou de l’une de ces deux peines seulement, la mère porteuse portant un enfant conçu par GPA réalisée au Luxembourg et le ou les parents d’intention ayant commandité ledit enfant, ainsi que le fait de procéder, au Luxembourg, à un acte médical menant à une GPA.

Qu'en est-il d'une éventuelle reconnaissance juridique des effets d’une GPA valablement réalisée à l’étranger ?

A certaines conditions, les effets d’une GPA réalisée régulièrement à l’étranger pourraient être reconnus au Luxembourg. Ainsi, si un acte de parentalité a été valablement établi auprès d’un officier de l’état civil luxembourgeois ou si la convention médicale dressée entre les auteurs du projet parental et le centre de fécondation ou le médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale a été légalement faite au regard de la loi de l’État dans lequel elle a été dressée, l’acte de naissance de l’enfant né à l’étranger pourrait être transcrit avec l’établissement d’une filiation à l’égard des deux parents d’intention, de sexe opposé ou de même sexe. En l’absence d’acte de parentalité ou de convention médicale valable, l’acte de naissance étranger serait seulement transcrit par rapport à la mère ayant accouché de l’enfant. Cependant, l’acte de naissance transcrit pourrait énoncer une autre mère que la femme ayant accouché de l’enfant, si cette dernière a renoncé expressément, clairement et sans équivoque à tous les droits concernant l’enfant.

Article rédigé par le LISER, paru dans Femmes Magazine, édition mars 2019

1 Ce projet de recherche a été financé par le GIP Mission de Recherche Droit et Justice (France) et mené en collaboration avec le CEJESCO de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, sous la direction de Clotilde BRUNETTI-PONS.

2SEGURA J., « Le “droit à l’enfant” et la filiation en droit luxembourgeois », in « PMA, GPA : quel statut juridique pour l’enfant ? », Editions Mare et Martin, 2019, pp. 205 à 218.

3 Accord de Coalition 2018-2023, p. 22.

4 Voir le projet de loi portant réforme du droit de la filiation n° 6568A.