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English (morning), Anglais (matinée), French and English (afternoon), Anglais et français (après-midi)

Qui a peur du « Genre » ? Leçons pour la recherche, le plaidoyer politique et l’action

Quand:
THU, 13 NOV 2025
De:
9:00 AM
À:
6:00 PM
:
en personne
Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER)

11 Prte des Sciences, 4366 Belval Esch-sur-Alzette/Belval

Conference Room Jane Jacobs, 1st floor, Maison des Sciences Humaines
Rejoignez-nous !
Les chercheurs sont invités à participer à l'ensemble de la journée ou à prendre part uniquement à la matinée ou à l'après-midi. Les membres de la société civile sont chaleureusement invités à participer à la session de l'après-midi.
L'événement est gratuit et ouvert à tous les participants intéressés, sous réserve d'inscription avant le 10 novembre 2025.
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Plan

Les études de genre remettent en question la recherche scientifique depuis de nombreuses années, que ce soit dans le domaine biomédical, dans les sciences humaines et sociales ou dans le développement technologique. L’histoire de la recherche biomédicale, par exemple, révèle de nombreux biais liés au sexe et au genre. Certaines études ont montré comment le corps masculin a souvent été pris – consciemment ou inconsciemment – comme norme, avec des conséquences néfastes pour la santé des femmes comme des hommes, et encore plus pour les personnes qui ne s’inscrivent pas clairement dans une distinction binaire entre sexe et genre[1].

De même, les corps et trajectoires masculines, ainsi que la division traditionnelle du travail économique et politique entre hommes et femmes, ont souvent été considérés comme la norme sans remise en question, y compris dans les sciences sociales. Il en résulte une recherche qui a longtemps invisibilisé les femmes et les minorités sexuelles, les problématiques qui les concernent de manière disproportionnée (comme les violences sexuelles), ainsi que les dynamiques socio-politiques et économiques à l’origine des normes, hiérarchies, identités et réalités genrées[1]. Une recherche aveugle au genre a ainsi contribué à légitimer un système de valeurs sociales dans lequel le travail visible et rémunéré est plus valorisé que le travail invisible et/ou non rémunéré (comme le ménage, le soin ou le travail émotionnel). Elle a également longtemps échoué à remettre en question la nature genrée des espaces urbains, des institutions politiques, des politiques publiques, des organisations et des pratiques sociales. Ce faisant, elle a contribué à normaliser (voire à essentialiser) un monde qui valorise davantage les hommes hétérosexuels occupant des postes de pouvoir que les femmes, les minorités sexuelles ou les groupes non conformes au genre.

Depuis les années 1990, toutefois, les études de genre et des chercheur·es sensibles au genre, toutes disciplines confondues, ont produit un corpus important de recherches sur les dimensions genrées de la société, de la recherche et de l’éthique de la recherche. Ces travaux ont permis de rendre visibles les structures et dynamiques genrées, ainsi que les biais implicites (y compris dans leur intersection avec d’autres vecteurs d’inégalités sociales). En parallèle, les mouvements sociaux, les institutions nationales et internationales, ainsi que des individus, ont contribué à mettre les enjeux de genre au premier plan de l’attention publique et de l’agenda politique (comme en témoignent par exemple le mouvement #MeToo ou encore le procès Pélicot en France).

La tolérance sociale envers les discriminations de genre a diminué dans le monde occidental depuis les années 1990, et de nombreux pays occidentaux ont entrepris des efforts pour améliorer la législation et les politiques publiques dans des domaines tels que le mariage homosexuel, la représentation politique, les violences faites aux femmes et aux minorités sexuelles, les droits des personnes transgenres, le harcèlement ou les politiques sociales. Des chercheur·es (et plus rarement des praticien·nes politiques) ont également engagé des réflexions critiques sur des domaines de politiques publiques qui ne sont pas a priori perçus comme genrés (tels que les affaires étrangères, la défense ou la politique économique).

Cependant, comme à chaque époque où des avancées significatives en matière d’égalité de genre ont été obtenues, des mouvements de retour en arrière ont émergé : de la part de femmes conservatrices ; plus récemment, de la part des populistes de droite en Europe et des conservateurs religieux évangéliques aux États-Unis ; ainsi que des influenceurs misogynes de la "manosphère" en ligne (comme Andrew Tate). En France, par exemple, une controverse sur l’imposition supposée de la “théorie du genre” à l’école a émergé en 2011, dans le contexte du débat sur le mariage pour tous[3].

Plus préoccupant encore, certains gouvernements occidentaux ont lancé une attaque frontale contre les études de genre, les institutions d’égalité de genre et les chercheur·es sensibles au genre. Par exemple, en 2018, le gouvernement hongrois a lancé une attaque rhétorique et institutionnelle contre les études de genre et a retiré l’accréditation aux programmes dans ce domaine. Plus récemment, le gouvernement américain a interdit les programmes DEI (Diversité, Équité et Inclusion) et supprimé le financement de toute recherche – y compris les coopérations internationales – mentionnant le genre, y compris sur des thématiques qui ne peuvent en aucun cas être rendues “neutres du point de vue du genre” (comme la santé reproductive des femmes ou les inégalités de genre).

Dans de nombreux autres pays également (dont la France, l’Allemagne, l’Italie ou le Brésil), des tentatives ont été faites pour transformer le mot “genre” en un signifiant controversé, mobilisant une collection disparate de griefs contre une supposée “théorie du genre” – un concept flou qui n’existe pas en tant que tel dans le monde académique[4].


[1] Cf. par exemple la méta-analyse par Merone, Tsey, Russle and Nagle (2022).

[2] Voir par exemple Jenson&Lépinard (2009).

[3] Pour les campagnes anti-genre en Europe, voir par exemple Paternotte&Kuhar (2018) ; sur le genre et l’extrême droite, Köttig, Bitzan et Pétö (2017) ; sur le “féminisme” conservateur, Celis et Chils (2014).

[4] Pour une analyse approfondie, voir Butler (2024).


******************************

Le Comité d’Éthique de la Recherche du LISER (REC) et le centre de compétence pour la Recherche Expérimentale et Participative (ccEXPAR), en collaboration avec le groupe de travail sur le genre du secteur de la recherche au Luxembourg, propose une journée d’échange autour de la thématique du “genre” dans la recherche et dans la société civile. Cette journée vise à favoriser le dialogue entre chercheur·es et organisations de la société civile, en offrant un espace pour discuter de l’état des lieux, des défis actuels, et des pistes de collaboration futures.

L’atelier est ouvert à toutes les personnes intéressées, indépendamment de leur statut ou affiliation. Il est structuré en deux parties, auxquelles on peut assister séparément ou dans leur ensemble.

La première partie (9h00–12h45) est consacrée à la recherche académique et appliquée. Elle a pour objectif d’illustrer et de discuter de l’importance d’intégrer une perspective de genre dans la recherche et l’éthique de la recherche : comment cela peut être fait ; quelles sont les implications (théoriques, méthodologiques et éthiques) de l’intention de prendre explicitement et systématiquement en compte la nature genrée de la société, des institutions, des organisations, des politiques et des pratiques quotidiennes. Nous discuterons également de ce que l’on peut gagner à “genrer” la recherche : de nouvelles questions de recherche passionnantes ; un regard renouvelé ou une réévaluation critique de travaux existants ; de nouvelles préoccupations méthodologiques et éthiques, etc. L’importance des approches participatives dans la recherche sensible au genre fera également l’objet d’échanges.

La seconde partie (14h00–18h00) se concentre sur l’action de la société civile et sur la manière dont la reconnaissance du caractère genré de la société et de la recherche influence notre regard, nos actions, et la façon dont nous concevons notre travail. Elle vise à encourager la collaboration entre les chercheur·es et les organisations de la société civile œuvrant pour l’égalité de genre. Cette session offrira un espace pour discuter des priorités et des défis auxquels ces organisations font face, et de la manière dont l’analyse fondée sur les preuves peut soutenir leur plaidoyer et influencer les politiques publiques. Elle explorera aussi comment la recherche peut bénéficier du savoir des acteurs de la société civile, en lien étroit avec les communautés concernées. En ajoutant une perspective de genre au “world café” avec les membres de la société civile (associations, fondations, chargé·es d’égalité dans les collectivités), notre intention est de donner la parole à des groupes souvent exclus de la recherche traditionnelle (comme les communautés LGBTQ+). Intégrer une approche sensible au genre permet de favoriser l’émancipation et la transformation (par le plaidoyer et l’action politique). La session encourage la réflexion sur les biais de genre et promeut une recherche et une action transformatrices, inclusives et sensibles au genre.

L’ensemble de l’atelier sera interactif et laissera une large place aux participant·es pour présenter leurs projets, initiatives et préoccupations. Il s’inscrit dans une logique de recherche participative intégrant une perspective de genre. Les rôles de genre et les dynamiques de pouvoir influencent la manière dont les individus participent, s’expriment et sont affectés par les décisions. Si le genre n’est pas pris en compte, les méthodes participatives peuvent involontairement renforcer les inégalités existantes. Pour rendre ces méthodes sensibles au genre, le séminaire est animé par des facilitateur·rice·s formé·es à la sensibilité de genre, qui reconnaissent que toutes les identités de genre apportent des perspectives précieuses, même si elles sont informelles ou traditionnellement négligées. Ces personnes garantissent également le respect des principes éthiques.

david patternote

David Paternotte est professeur en sociologie à l’Université libre de Bruxelles, où il codirige la Structure de recherche interdisciplinaire sur le genre (STRIGES) et l'Institut de Sociologie (IS). Il est l'un des initiateurs du Master de spécialisation interuniversitaire en études de genre, qui réunit les six universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Outre de nombreuses invitations à présenter ses travaux à l’étranger, David Paternotte a été chercheur ou professeur invité dans de nombreuses institutions, dont l’European University Institute, l’Université de Cambridge, l’Université de Montréal et la London School of Economics and Political Science. 

Son travail porte sur le genre, la sexualité et les mouvements sociaux. En plus de nombreux articles et chapitres de livres, il est l’auteur de l’ouvrage Revendiquer le “mariage gay”: Belgique, France, Espagne (2011). Il a aussi dirigé un grand nombre d’ouvrages collectifs, parmi lesquels The Lesbian and Gay Movement and the State (2011, avec Manon Tremblay et Carol Johnson), LGBT Activism and the Making of Europe: A Rainbow Europe? (2014, avec Phillip Ayoub), le Ashgate Research Companion to Lesbian and Gay Activism (2015, avec Manon Tremblay) et Anti-Gender Campaigns : Mobilizing against Equality (2017, avec Roman Kuhar)/Campagnes anti-genre en Europe : Des mobilisations contre l’égalité (2018, avec Roman Kuhar). Il est codirecteur de la collection « Global Queer Politics » (Palgrave, avec Sonia Corrêa, Jordi Díez et Matthew Waites) et « Genre(s) & Sexualité(s) » (Editions de l’Université de Bruxelles, avec Cécile Vanderpelen).

Programme provisoire
Morning session (English) – for researchers only
9:00 AM
Introductions and welcome
9:15 AM - 10:15 AM
Introductory lecture “Navigating [through/with] gender in society” by Prof David Paternotte and discussion
10:15 AM - 10:45 AM
Q&A
10:45 AM - 11:15 AM
Coffee break ☕
11:15 AM - 12:45 PM
Mini-workshops
Afternoon session (French and English) – for researchers and associations
2:00 PM
Introduction et (re)bienvenue / Introduction and (re)welcome
2:30 PM - 3:30 PM
Table ronde / Round table
3:30 PM - 4:00 PM
Pause café / Coffee break ☕
4:00 PM - 5:15 PM
World Café / World Café
5:15 PM - 6:00 PM
Discussion finale et apéro / Final discussion and drinks
Organisé par

Lea Sgier I University of Geneva & LISER Research Ethics Committee

Alain Loute I University of Louvain & LISER Research Ethics Committee

Carole Blond-Hanten I LISER

Organisateur de l'événement:
Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter. De même, si vous vous êtes inscrit mais que vous ne pouvez finalement pas participer, merci d’en informer les organisateurs.
carole.blond-hanten@liser.lu

-REC: Le Comité d’Éthique de la Recherche (REC) est l’organe institutionnel de LISER en matière d’éthique, composé de membres internes et externes. Ses principales missions sont d’évaluer les projets de recherche du point de vue de l’éthique, de conseiller les chercheurs sur les enjeux éthiques liés aux projets en cours, et d’offrir un espace de discussion sur les questions éthiques en recherche.

-ccEXPAR: Le ccEXPAR est le centre de compétence du LISER en matière de recherche expérimentale et participative. Son objectif consiste à renforcer la sensibilisation et les compétences dans les méthodes de recherche expérimentales et participatives, afin de consolider la position du LISER à l’avant-garde d’une recherche de haute qualité, rigoureuse scientifiquement et pertinente socialement au niveau international. L’une des activités principales du ccEXPAR consiste à octroyer des financements de démarrage aux collaborateurs·rices du LISER pour tester et expérimenter des méthodologies de recherche innovantes.

- GWG : Le Gender Working Group (GWG) est un groupe de travail trans-institutionnel qui rassemble l’expertise de spécialistes du genre, de représentants des délégations du personnel, et de chercheurs issus du Luxembourg Institute of Health (LIH), du Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER), du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), de l’Université du Luxembourg (UL) et du Fonds National de la Recherche (FNR).

-Alain Loute: Alain Loute est membre externe du REC depuis 2019. Il est professeur d’éthique à la Faculté de médecine et de médecine dentaire de l’Université catholique de Louvain, et vice-doyen de la Faculté de santé publique. Ses domaines de recherche incluent l’éthique de la santé numérique, le genre et la santé, ainsi que l’éthique du lieu.

-Lea Sgier : Lea Sgier est membre externe du REC depuis 2019, et en a assuré la présidence de 2021 à 2024. Elle est également maîtresse d’enseignement et de recherche en science politique à l’Université de Genève. Ses travaux portent notamment sur les questions de genre dans la représentation politique, les institutions de l’égalité de genre et les dimensions genrées de la citoyenneté. Depuis 2010, elle coordonne le groupe de travail « Gender & Politics » de l’Association suisse de science politique.

-Carole Blond-Hanten: Carole Blond-Hanten, sociologue de formation, travaille au LISER depuis 2007. Elle est membre du comité de pilotage du centre de compétence en matière de recherche expérimentale et participative (ccEXPAR) de LISER. Son engagement dans le projet « Gender Game » (GG) reflète son vif intérêt pour la vulgarisation scientifique et la promotion de l’implication du public dans la recherche.

LISER Research Ethics Committee (REC) & competence center for Experimental and Participatory Research (ccEXPAR)



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Renforcer la recherche en économie du travail et l’engagement politique à l’échelle mondiale | Le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER) est fier d’annoncer que le IZA Network, l’une des principales communautés mondiales en économie du travail, s’installera au LISER en tant que nouveau siège institutionnel à partir du 1er janvier 2026.

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Le document de travail sur un sujet lié à l’intelligence artificielle, publié en 2024 par Christina Gathmann (LISER et IZA), Felix Grimm (LISER) et Erwin Winkler (Université d’Erlangen-Nuremberg et IZA), a été sélectionné pour le Prix IZA 2025 de la recherche innovante sur une question publique urgente (IRPPI).